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Sao Tomé et le Pays basque liés par le cacao

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La plantation de cacao a été labellisée en bio © photo Paulo Monteiro

[Reportage Grand Format] Un lien particulier s'est noué entre le chocolatier basque Olivier Casenave et l'île de Sao Tomé où un projet chocolatier novateur est en train de voir le jour avec la société Kennyson

Plus de 4 800 kilomètres séparent le Pays basque de Sao Tomé et Principe, confettis d'îles au large de l'Afrique. Pourtant, un produit les rassemble : le chocolat.

Une jolie histoire moderne, entre les deux contrées, a débuté par une récompense. En 2016, au Salon du chocolat de Paris, le Basque Olivier Casenave, installé à Saint-Etienne-de-Baïgorry, remporte l'award de la meilleure tablette de chocolat noir. Les carrés de « 75% Sao Tomé- Diogo Vaz- Amelonado », du chocolatier spécialisé en « bean to bar » ( de la fève à la tablette, NDLR), ont séduit les papilles exigeantes des jurés.

Derrière cette distinction, c'est la renaissance d'une variété de cacao, l'amelonado, qui est saluée par la profession tout autant que la collaboration entre le chocolatier basque et deux hommes : Le landais Jean-Rémy Martin, du groupe Kennyson et Eneko Hiriart, aux attaches luziennes. Cette société, après avoir longtemps oeuvré dans le développement rural sur le continent africain, a décidé de relancer l'activité chocolatière de Sao Tomé, avec un projet novateur. Olivier Casenave en a été le premier bénéficiaire.

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 La plantation Diogo Vaz a été reprise en 2013 par Kennyson © photo Paulo Monteiro

« Le cacao a été introduit du Brésil sur l'île de Principe en 1822 et la première plantation d'envergure a démarré en 1852, raconte Eneko Hiriart, directeur général de Kennyson. La plantation de Diogo Vaz que nous avons reprise, en 2013, date de 1880. En 1910, la colonie portugaise de Sao Tomé était le premier producteur mondial de cacao, avec près de 35 000 tonnes et des fèves de grande qualité. Le revers de la médaille est que ce système a fonctionné sur l'esclavage des travailleurs dans ces parcelles.» « En 1975, quand Sao Tomé est devenu un état indépendant, les terres ont été redistribuées aux travailleurs des plantations, en petites parcelles, mais sans aucune assistance de l'Etat. Au début des années 2000, les îles ne produisaient pas plus de 1 000 tonnes de cacao par an, avec peu de perspectives pour ces planteurs », poursuit le professionnel du secteur.

 La renaissance d'une plantation

En 2013, quand Kennyson reprend cette plantation plus que centenaire, c'est avec l'objectif de « valoriser ce terroir unique en replantant des variétés de cacao endémiques » mais aussi de «capitaliser les gestes ancestraux », en y ajoutant un volet social.

«Je crois que le prix a renforcé notre relation et accéléré leur envie de développer leur projet à Sao Tomé », commente Olivier Casenave.

A ce jour, ce sont 150 000 cacaoyers qui ont été plantés sur l'exploitation de 420 hectares, coincée entre un volcan le Pico de Sao Tomé et l'océan Atlantique. Environ 250 personnes travaillent à Diogo Vaz, qui a obtenu la certification bio en mai 2017.

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150 000 cacaoyers ont été plantés sur l'exploitation de 420 hectares © photo Paulo Monteiro

« La culture du cacao peut être assimilée à celle de la vigne mais contrairement à cette dernière,  il n'y a pas de traitements. Il faut cinq ans, en moyenne, pour la pousse d'un cacaoyer, détaille Jean-Rémy Martin, à la tête du groupe Kennyson. C'est une culture très précise et délicate dont la production peut varier du simple ou double. Elle a besoin d'eau mais pas trop. Sao Tomé est situé au croisement de l’Equateur et du Méridien de Greenwich. Le climat équatorial et le terroir volcanique font une association favorable à la culture d’un cacao de qualité. Nous avons des cépages natifs d'Amérique du Sud : l'amelonado, le trinitario, le criollo puis le catongo. Pas d'hybride ni d'OGM. Ce sont des variétés qui produisent très peu. Nous sommes sur 1100 arbres à l'hectare pour un rendement de 800 kilos. Au niveau de la fève, elle est plus grosse que celle que l'on trouve d'ordinaire, elle n'a rien de comparable avec une fève classique.»

 Le bon sens landais

Fort de ces spécificités, le groupe a décidé de se lancer dans un projet chocolatier afin de  «rééquilibrer les choses » et de « garder la valeur sur l'île».

« Au coeur de notre projet, il y a un volet social, insiste Jean-Rémy Martin. On s'est inspiré de nos racines. Comme dans les Landes, les produits finis soutiennent l'économie locale. Le milieu du cacao est un milieu déséquilibré. La matière première est produite en Afrique et part, en grande partie, vers l'Europe. Il y a 7 millions de personnes dans le monde qui travaillent pour produire le cacao et beaucoup sont plus proches de la misère que du luxe. Si on arrive à prouver que le cacao peut aussi donner des conditions décentes à ces travailleurs, on aura réussi un pari.»

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Le projet permettra de maîtriser toute la chaine, de l'arbre à la tablette de chocolat © photo P. Monteiro

« Ce projet ne fait que rejoindre une tendance grandissante que l'on retrouve en Amérique du Sud ou Centrale et qui n'est vraie, pour le moment, en Afrique, qu'à Madagascar, résume Olivier Casenave. Le consommateur demande de plus en plus de la qualité et de l'éthique.»

En cette année 2018, Diogo Vaz devrait voir fonctionner son usine de chocolat grâce à des équipes locales formées à la chocolaterie et à la pâtisserie. Des plantations de cacao aux tablettes de chocolat, tout sera produit sur place.

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Le projet vise un chocolat de niche, haut de gamme © photo Paulo Monteiro

 « C'est un projet novateur, le "tree to bar" (de l'arbre à la tablette, NDLR) qui permettra de tracer les origines, de maîtriser à 100% la fermentation et le séchage des fèves ainsi que la torréfaction et la cuisson du chocolat », développe Eneko Hiriart.

Un chef chocolatier travaillera sous l'assistance technique du Basque Olivier Casenave. Ce dernier a apporté son savoir-faire et ses connaissances technologiques pour les aider à mettre en place la chocolaterie. Le chef portugais qui sera aux commandes, à Sao Tomé, est également venu se former quelques jours, chez lui, à Saint-Etienne-de-Baïgorry.

L'expérience solide du chocolatier basque

« On a rencontré Olivier Cazenave par l'intermédiaire d'amis basques à Mont-de-Marsan. On voulait une expérience solide, un vécu.  Nous sommes très contents de notre collaboration. Nous avons été séduits par son travail et sa personnalité », glisse Jean-Rémy Martin.

« On avait envie de travailler ensemble et nous avons développé une belle amitié. Je participe à cette aventure à titre amical et j'ai apporté mes conseils comme s'il s'agissait de mon propre projet. J'espère qu'ils vont réussir», résume le chocolatier basque. Grâce à l'Award de la tablette Diogo Vaz, ses productions ont trouvé un public de connaisseur, jusqu'au Japon, même si les approvisionnements en fèves de Sao Tomé sont plus irrégulières. « C'est un peu devenu collector, plaisante Olivier Casenave. Quand j'en rentre, les tablettes partent très vite.»

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 Les premières tablettes sont attendues pour le premier semestre 2018 © photo Paulo Monteiro

Avec ce projet de tree to bar, Diogo Vaz vise un chocolat de niche, haut de gamme. L'usine se fournira en fèves auprès de la plantation et garantira un prix d'achat cohérent, qui devrait contribuer à l'amélioration du niveau de vie de chacun.

« On veut rester sur des fondamentaux. Ne pas être centrés vers la transformation ou des mélanges hasardeux. On veut un chocolat exemplaire en goût et en qualité. Ce sera un gage de sérieux, comme l'exploitation d'un grand cru », détaille Jean-Rémy Martin.

Les premières tablettes 100% Diogo Vaz sont attendues pour le premier semestre 2018. Entre le chocolatier basque et le tandem Martin-Hiriart, la collaboration va se poursuivre.

Seule certitude, en avril prochain, après Pâques, période bénie des chocolatiers, Olivier Casenave devrait s'envoler vers Sao Tomé pour découvrir les plantations de cacao. Il fera le chemin inverse de ces quelques sacs de fèves d'amelonado, qui, il y a presque deux ans, ont fait germer une belle aventure.

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