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« C'est un peu le chocolat de l'impossible »

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L'amelonado et le trinitario se déclinent en tablettes © photo Dario Pequeno

La plantation Diogo Vaz, à Sao Tomé, vient de produire ses premières tablettes de chocolat, après cinq années de travail pour sa renaissance. Elle sera présente au Salon du chocolat de Paris, du 31 octobre au 4 novembre, sous le regard bienveillant du chocolatier basque Olivier Casenave, qui suit attentivement ce projet.

Serait-ce un heureux présage pour la suite d'un projet atypique dans le monde du cacao ? Il y a deux ans, le chocolatier basque Olivier Casenave décrochait l'award de la meilleure tablette de chocolat noir, au Salon du chocolat de Paris, grâce à des fèves de cacao amelonado en provenance de la plantation Diogo Vaz à Sao Tomé, tout juste relancée.

En cette année 2018, ce sont maintenant les tablettes de chocolat produites sur place, à Sao Tomé, que le grand public pourra découvrir à Paris, du 31 octobre au 4 novembre, dans le cadre de ce même salon.

Le pari est en passe d'être gagné pour le Landais Jean-Rémy Martin, à la tête de la société Kennyson, et son directeur général Eneko Hiriart. En reprenant, en 2013, la plantation de cacao Diogo Vaz, ils ont souhaité mettre en valeur les ressources agricoles et humaines de la minuscule île en créant un chocolat qui serait traçable de l'arbre à la tablette (« tree to bar», NDLR). Outre de gros investissements sur la plantation et notamment la construction d'une chocolaterie, le duo s'est appuyé sur les conseils d'Olivier Casenave, installé à Saint-Etienne-de-Baïgorry, pour la fabrication de son chocolat.

Avec ce projet audacieux, Jean-Rémy Martin, qui a longtemps travaillé en Afrique, espère rééquilibrer les choses en démontrant que le cacao africain peut être transformé sur place tout en apportant des conditions de travail décentes.

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Les premières tablettes ont été réalisées en avril dernier © photo Dario Pequeno

« Des contraintes à dépasser »

Les premières tablettes de chocolat Diogo Vaz ont vu le jour il y a quelques mois, à peine. Olivier Casenave, en tant que superviseur technique, a pris part à ces débuts. « Je me suis rendu à Sao Tomé deux semaines, en avril dernier, raconte le chocolatier basque. Il y a une atmosphère particulière et beaucoup d'ondes positives dans cette île-là. On sent une âme sur les lieux. Globalement, on voit que les jeunes sont fiers de participer à ce projet.»

Il reprend : « J'avais formé Filipe de Almeida, le maître chocolatier qui a été recruté pour le projet, à Baigorri. On s'est retrouvé là-bas avec un outil de travail de très bon niveau pour une production qualitative. On a lancé une première fabrication. On a un peu tâtonné et en travaillant, on a affiné un peu plus le premier batch (1).»

Mais entre préparer son chocolat, dans son laboratoire, en Europe, et le faire sur un confetti volcanique traversé par l'équateur, il y a une série d'obstacles, que la société Kennyson a dû surmonter. « Lancer une unité de fabrication de chocolat de niche sur une île africaine perdue au milieu de l’océan Atlantique peut relever de la gageure et constituer un pari insensé, résume Eneko Hiriart, directeur général de la société. La distance et les problématiques logistiques ne sont pas simples. Il faut anticiper au maximum dans le processus de commande. C’est un peu le chocolat de l’impossible. Tout bien ou outil importé d’Europe ou d’Amérique met environ deux mois et toute panne peut être problématique.»

Autour du maître chocolatier Filipe de Almeida et de son adjoint argentin Franco Vercellini, une douzaine de personnes, toutes sao-toméennes, ont été recrutées pour l’usine et une dizaine pour le magasin qui accueillera un salon de thé et un espace de dégustation.

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Une douzaine de personnes travaillent dans la chocolaterie © photo Eneko Hiriart

« Au final, nous sommes assez satisfaits du résultat obtenu. Nous avons eu des retours très positifs de la part de grands chefs cuisiniers et pâtissiers en France et au Moyen-Orient sur les premières productions qui utilisent exclusivement les fèves de la plantation. Nous avons pu définir une première gamme de cinq tablettes pour les consommateurs et nous produisons également des pains de 750 grammes à l’attention des chocolatiers et pâtissiers fins européens », détaille le professionnel du cacao.

« Fièrement fabriqué »

Un premier container rempli des précieuses tablettes est parti en septembre à destination de la France où il vient d'arriver. Les amateurs de chocolat vont pouvoir bientôt croquer dans différentes tablettes, glissées dans d'élégants emballages verts ou bruns. L'amelonado, une variété quasi oubliée, se décline en 75% et 65% de cacao. Le trinitario se croque également dans une tablette à 75% de cacao. « L'amelonado est vif en bouche avec du caractère et des arômes complexes. Le trinitario est davantage sur la rondeur avec des notes de bois sec, de noisette et d’amande », nuance Christian Ung, chargé de distribuer les tablettes en France. Enfin, Diogo Vaz a également produit une tablette « Unroasted», du chocolat cru. « C'est une nouvelle tendance le chocolat cru, analyse Olivier Casenave. Ça vient des Etats-Unis et des crudivores qui veulent un cacao non torréfié pour ne pas dégrader les nutriments. En goût, c'est très différent du chocolat. Mais quelqu'un qui n'a aucun repère va préférer du cru. D'ailleurs, à Sao Tomé, quand on leur a fait goûter le chocolat, ils préféraient le cru, un goût plus brut.»

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Une tablette de chocolat cru a été mise au point © photo Eneko Hiriart

Le domaine Diogo Vaz vise une production annuelle de chocolat de 120 tonnes par an. Reste maintenant à se faire connaître des consommateurs et des professionnels sur un marché très concurrentiel. Le Salon du chocolat, à Paris, puis celui de Seattle, représentent les premiers grands rendez-vous de cette jeune production. « A Paris, ils vont se confronter, pour la première fois, aux amateurs de chocolats, aux clients, aux professionnels. Pour un acteur africain, c'est une très bonne nouvelle », analyse Olivier Casenave.

Au dos des tablettes de chocolat Diogo Vaz, on peut lire la mention « fièrement fabriqué à Sao Tomé ». Une inscription qui prend tout son sens quand on réfléchit au challenge qui a été relevé par les équipes sao-toméennes : faire renaître une plantation de cacao et produire ses propres tablettes sur les terres que l'on surnommait autrefois « l'île chocolat ».

(1) Une cuvée de chocolat.

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